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CO2: The return

Déjà en dernier, la finance qualifiait le CO2 de matière première la plus performante sur 2018 en saluant le bond de 300% de son cours sur un an. (et près de 400% si nous prenons en compte le pic de 25,16€/tCO2 atteint le 10 septembre).
Parler de performance d’un produit qui est généralement perçu comme une taxe semble pour le moins provocateur! Dit-on que la CSPE est peu performante du fait qu’elle ne semble pas arriver à décoller de 22,5€/MWh depuis le 1er janvier 2016?  Avons-nous salué la performance de la CSG qui au 1er janvier de cette année a bondi de 1,7 points pour passer de 7,5% à 9.2% (performance : 22,6% !)?

Ces évolutions de marchés et ces commentaires envieux sont là pour nous rappeler (10 ans après la grande crise financière et la chute de Lehman Brothers) que quand nous parlons ici du CO2 et de son prix, il ne s’agit pas de matière première, ni de gaz ou de vent mais bien d’un produit financier, les EUA (European Emission Allowances).

Notre objet, n’est pas ici de retracer l’histoire chaotique et parfois sulfureuse de ce produit. Comme rappel historique, nous nous contenterons de ce graphique :

2

Nous nous proposons plutôt de porter des éclairages sur certains aspects et conséquences de ces mouvements de marché.

Pourquoi cette augmentation de prix du CO2 ?

Les évolutions du cours des EUA ont déjà une longue histoire de forte volatilité. S’agissant d’un marché qui repose sur des bases essentiellement réglementaires au niveau de l’Union Européenne, ce marché évolue au fil des décisions (ou de leurs annonces ou anticipations). Dans le cas présent, la performance actuelle du marché du carbone est généralement attribuée à l’anticipation par le marché de la mise en service à partir de janvier 2019 de la réserve de stabilité du marché (MSR), pièce maîtresse de la réforme EU-ETS adoptée l’année dernière et publiée cette année (Directive 2018/410 du 14/3/2018).

Impact sur le prix de l’électricité : Une deuxième CSPE
Le marché à terme de l’électricité a lui aussi été un marché très « performant » ces douze derniers mois ! Sur un an, le produit France Baseload Cal 2019 est passé d’environ 40€/MWh à 60€/MWh (établissant une performance honorable de 50%). Certes le prix du charbon a aussi « performé » avec près de 20%, mais le facteur principal de cette hausse reste bien l’impact de la hausse du prix des EUA. Cet impact est même quantifié dans l’article L122-8.I du code de l’énergie : 0,76 t CO2 par MWh (traduisant la réalité un peu contre-intuitive de la forte dépendance du prix français de l’électricité au charbon). Sur cette base, l’impact sur le prix de l’électricité peut être estimé entre 15 et 20€/MWh (soit 25-30%).

Impact pour le consommateur
Jusqu’à présent le consommateur français est partiellement protégé de cette hausse par le mécanisme de l’Arenh, qui plafonne le coût de sa fourniture de base à 42€/MWh. Mais ce mécanisme est limité dans le temps (2025) et il est plafonné pour la fourniture via les fournisseurs concurrents d’EDF (jusqu’à présent le plafond de 100 TWh ne s’est pas appliqué, mais avec les pertes de marché d’EDF cela pourrait arriver dès les prochaines allocations en novembre 2018).

Par ailleurs, suite à un mécanisme additionnel mis en place à partir de 2016 (quand le prix de marché était inférieur au prix de l’Arenh) pour les consommateurs électro intensifs (cf. l’article L122-8.I du code de l’énergie) ces consommateurs peuvent être compensés de l’impact CO2 dans le prix de l’électricité. Mais la base de valorisation du CO2 utilisée pour la compensation est fixée seulement à 5,91€/t (il est douteux que ce montant soit revalorisé) et cette mesure est aussi limitée dans le temps (2020).
Ces protections sont donc partielles et l’impact commence déjà à se ressentir chez les consommateurs industriels (et certainement bientôt pour les particuliers).

Impact pour l’environnement
Nous aurions dû commencer par ce point puisque c’est la finalité du système européen d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SEQE), plus connu sous l’acronyme anglais European Trading Scheme (ETS).
Cyniquement, nous pourrions présenter les évolutions des émissions du secteur électrique français et nous poser la question simpliste : quelle fut l’impact de cette « double CSPE » sur les émissions du secteur de l’électricité ?

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Plus globalement, cet impact limité de l’ETS sur l’environnement ressortait des débats et conclusions présentés lors de la Conférence sur l’ « Etat de l’EU ETS en 2018 » à Paris le 13 juin dernier (en présence de la DGEC, EDF et nombre de grands groupes industriels) :

  • Les politiques « Control & Command » sont les politiques qui ont impacté les baisses d’émission dans le secteur de l’énergie.
  • Le rôle et l’impact de l’ETS ne peut pas être clairement identifié tant que le prix est inférieur à 30€/t (c’est-à-dire jusqu’à présent).
  • La plupart des grands industriels ont toujours un solde créditeur de quotas gratuits.

Si les prix du CO2 devaient durablement s’établir à des niveaux élevés (ce qui, au regard de l’histoire, n’est pas acquis) traduisant une pénurie réelle de quotas pour les grandes entreprises, nous entrerions dans un nouveau paradigme. Ce mécanisme passerait d’un système qui subventionne des grands secteurs industriels européens à un système qui taxerait ces mêmes entreprises.

S’agira-t’il d’un système à somme nulle, maintenant que le système perdure en dehors de l’accord de Kyoto (C’est-à-dire en dehors d’objectifs extra-communautaires) ? En fin de compte les Etats membres de l’Union ainsi que différents fonds européens pour la recherche et l’innovation bénéficient de la mise aux enchères de ces quotas et ces recettes peuvent, in fine, revenir à l’industrie. Le doute est permis et les critiques vis-à-vis d’un tel système ne viennent pas uniquement de l’autre côté de l’atlantique. Le Pape François ne pointait-il pas déjà en 2015 :
« La stratégie d’achat et de vente de “crédits de carbone” peut donner lieu à une nouvelle forme de spéculation, et cela ne servirait pas à réduire l’émission globale des gaz polluants. Ce système semble être une solution rapide et facile, sous l’apparence d’un certain engagement pour l’environnement, mais qui n’implique, en aucune manière, de changement radical à la hauteur des circonstances. Au contraire, il peut devenir un expédient qui permet de soutenir la surconsommation de certains pays et secteurs » (Lettre Encyclique : Laudato Si)

Philippe Boulanger

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Electrolyse et modulation du nucléaire

Contribution de l’électrolyse à l’intégration des énergies renouvelables et à l’optimisation du système électrique français

Paris le 10 octobre 2018

  1. Le nucléaire en France au cœur de l’équilibre du système électrique

Avec 58 tranches de centrales nucléaires représentant une puissance installée de 63,13GW l’énergie nucléaire assure près de 80% de la production d’électricité en France (72,13% en 2016 et 77% en 2014)

Ceci est bien connu. Ce qui l’est un peu moins est que le nucléaire assure aussi une très grande part des besoins de modulation du réseau :

Réglage de fréquence :

Les centrales sont réglées pour fournir +/-7% de la puissance nominale en réglage de fréquence (+/-2% réglage primaire et +/-5% en réglage secondaire)

Modulation et suivi de charge

Toutes les tranches, sauf celles de la série CP0 (Fessenheim et Bugey représentant 8% de la puissance nucléaire installée) sont capables d’offrir une capacité de modulation de 80% de la puissance installée avec des rampes entre 3% et 5% par minute (le niveau de production doit être au minimum de 20% de la capacité installée)

Le parc nucléaire est donc actuellement encore en mesure de répondre largement aux besoins de flexibilité induits par le développement des renouvelables, mais au prix d’un taux de charge réduit des centrales et donc de perte de valeur importante.

  • Estimation de la modulation du nucléaire

D’un point de vue économique autant que du point de vue des émissions de CO2, cette modulation correspond à une destruction de valeur.

C’est la raison principale pour laquelle, en termes d’émissions de CO2, le système électrique français de bénéficie pas du développement des énergies renouvelables :

(Source RTE)

La production d’hydrogène par électrolyse permettrait, par sa flexibilité et sa demande additionnelle en énergie renouvelable, de limiter très sensiblement cette modulation.

Nous avons quantifié, d’une façon conservative, cet apport à partir des données de consommations horaires de l’ensemble des groupes nucléaires disponibles sur le site de RTE pour les années 2014 et 2016

Pour chacun de ces groupes (hors tranches série CP0) nous avons identifié et quantifié cette modulation de la façon suivante[1] :

  • Identification : à chaque fois que la puissance produite est comprise entre 20% et 86% de la puissance installée (si moins de 20% le groupe est à priori en dehors de la plage de flexibilité et au-dessus de 86% le groupe participe potentiellement en réglage de fréquence[2])
  • Quantification : sur chaque heure identifiée, la modulation est quantifiée par la différence entre la puissance produite et 93% de la puissance installée (afin de rester disponible pour le réglage fréquence)

En annexe 1, nous présentons des exemples d’identification et de quantification

Résultat pour 2014

Le volume modulé (hors control fréquence) total représente près de 12 TWh (11,924TWh)

Résultat pour 2016

Le volume modulé (hors control fréquence) total représente plus de 8 TWh (88,228TWh)

  • Apport de l’électrolyse de masse

Nous avons donc aussi quantifié le fonctionnement d’usines de production d’hydrogène par électrolyse qui limiterait au maximum cette modulation.

Nous avons fait les calculs pour des installations de 200MW à 900MW d’électrolyse.

Résultat pour 2014

  • Une usine d’électrolyse de de 200MW aurait un facteur de charge de 89% (7802h/a), consommerait 1,56TWh et produirait 28 500 t H2
  • Une usine d’électrolyse de de 500MW aurait un facteur de charge de 83% (7300h/a), consommerait 3,66TWh et produirait 66 500 t H2
  • Une usine d’électrolyse de de 600MW aurait un facteur de charge de 81% (7110h/a), consommerait 4,27TWh et produirait 77 588 t H2
  • Une usine d’électrolyse de de 900MW aurait un facteur de charge de 73% (6437h/a), consommerait 5,79TWh et produirait 105 348 t H2

Il est intéressant de rapprocher ces volumes de production d’hydrogène avec le Plan de Déploiement de Hydrogène présenté par le gouvernement le 1er juin 2018 :

« Mesure 1 : 100 000 t H2 dès 2023« 

Résultat pour 2016

  • Une usine d’électrolyse de de 200MW aurait un facteur de charge de 82% (7201h/a), consommerait 1,44TWh et produirait 26 232 t H2
  • Une usine d’électrolyse de de 500MW aurait un facteur de charge de 72% (6304h/a), consommerait 3,16TWh et produirait 57 413 t H2
  • Une usine d’électrolyse de de 600MW aurait un facteur de charge de 69% (6034h/a), consommerait 3,63TWh et produirait 65 938 t H2
  • Une usine d’électrolyse de de 900MW aurait un facteur de charge de 60% (5239h/a), consommerait 4,72TWh et produirait 85 872 t H2
  • Conclusion

Avec Flamanville 3 (1600MW) qui va rentrer en service prochainement, 3 à 5TWh d’électricité renouvelable rajoutée chaque année sur le réseau électrique en France et une demande constante (tendance décroissante), le déploiement massif de l’électrolyse c’est ici et maintenant et à un rythme de plusieurs centaines de MW par an. La demande supplémentaire d’électricité renouvelable pendant de longues heures d’utilisation induite par cette production d’hydrogène ne générera aucune émission de CO2 additionnelle et permettra de décarboner d’autres secteurs : transport, industrie & chauffage.

C’est le principe de l’intégration trans sectorielle, une opportunité industrielle unique pour la France

Annexe 1 :

Exemple d’identification et de quantification (Blayais 2 et Chooz 1 en 2016)


[1] Il s’agit d’une estimation simplificatrice et conservatrice indépendante de contraintes d’exploitation qui ne sont connues que par EDF.

[2] L’électrolyse par sa flexibilité serait en mesure d’assurer aussi une grande partie du réglage fréquence.

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Pendant ce temps en Allemagne…

Le 9 janvier, l’église catholique d’Immerath ville de l’ouest de l’Allemagne a été détruite pour laisser place à l’agrandissement d’une gigantesque mine de charbon (Lignite) de RWE. Et ce, malgré les protestations d’habitants et militants écologistes.

Ces images qui semblent venir d’un autre temps évoquent le drame de l’engloutissement du village de Tignes en 1952 dont les derniers habitants ont dû être évacués de force par les gendarmes. Mais  à l’époque Tignes devait alors soutenir l’effort de reconstruction du pays, et il s’agissait déjà d’électricité verte (même si alors l’électricité était monochrome : bleue)

De plus nous apprenons qu’en Allemagne, les déplacements de population liés aux mines de charbon concernent aussi la Lusace, région de l’Est proche de la Pologne, où des villages entiers ont été rayés de la carte. En 2007, une église vieille de 750 ans avait été déménagée de 12 kilomètres entre Heuersdorf et Borna (est), sur deux plateformes roulantes et pour un coût de 3 millions d’euros, pour éviter de la détruire.

De fait, Immerath était déjà devenu un village-fantôme en 2013, lorsque ses 900 habitants leurs maisons, le chemin de croix du XVIIIe siècle et d’autres monuments du village ont été déplacés vers Immerath Neu, un nouveau site sorti de terre dans la même commune d’Erkelenz, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans le cadre d’un vaste plan de déplacement concernant au total 7600 habitants de la région.

Les militants écologistes avec des banderoles comme « Qui détruit la culture détruit aussi les êtres humains », ont été impuissants.

Ce « fait divers » nous rappelle qu’au-delà des discours politiques, la réalité de la génération électrique en Europe en générale et l’Allemagne en particulier reste toujours bien dépendante du charbon : le charbon et le lignite produisent encore 40% de l’électricité outre Rhin.

Ainsi le prix du charbon reste toujours le principal facteur d’indexation et d’évolution du prix de l’électricité sur la plaque continentale. (cf. figure ci-dessous) :

Graph

Alors que l’Allemagne vient de former un nouveau gouvernement de Grande Coalition (CDU/CSU/SPD) avec la conclusion d’un nouveau contrat de gouvernement (Koalitionsvertrag) présenté le 7/2/2018, nous pouvons légitimement nous poser la question : que reste-t-il de l’Energiewende d’octobre 2010 ?

Cette révolution énergétique avait, à l’époque, été inscrite dans le Koalitionsvertrag d’une même Grande Coalition et prévoyait notamment une réduction de 40% d’émission CO2 pour 2020 (par rapport au niveau de 1990) et 80% en 2050 et une forte pénétration des énergies renouvelables dans la génération électrique : 35% en 2020, 50% en 2030, 65% en 2040 et 80% en 2050.

L’Allemagne est en avance sur ce dernier point avec déjà 38% et le nouveau gouvernement s’engage même à atteindre 65% d’électricité renouvelable dès 2030 (soit avec 10 ans d’avance). Par contre le contrat de coalition reste muet sur l’objectif de réduction CO2 et précise que la sortie du charbon doit de faire pas à pas (schrittweise)

De ce côté-là avec une réduction de seulement 27,9% en 2015 (et légère augmentation depuis), la cible semble définitivement hors de portée. Agora Energiewende prévoit même que la cible 2020 va être manquée de…120 millions de tonne CO2 équivalent (soit plus de 4 fois les émissions totales du secteur électrique français en 2016)

Il semble bien que devant le choix d’une politique de développement industriel (déploiement des énergies renouvelable) ou de lutte contre le changement climatique, les décideurs savent faire preuve de pragmatisme agnostique.

Et les églises peuvent tomber…

Philippe Boulanger

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Le prix de la capacité : des inconnues et des équations

Le marché de capacité à la française, c’est une genèse compliquée : la loi NOME en 2010, un décret en 2012, deux arrêtés en 2015 et en 2016. Le marché de capacité à la française, c’est un corpus de règles lourd de 2019 pages (disponible uniquement en langue française car probablement difficilement traduisible dans une autre langue). Le marché de capacité à la française, c’est aussi le changement : un nouveau décret, un nouvel arrêté et donc une nouvelle édition augmentée des règles sont attendues pour 2018.

Par contre une clarté semblait bien se dégager de ce maquis réglementaire : le prix de la capacité !

L’enchère unique de capacité en 2016 se trouvait encadrée par des paramètres limités et simples :

  • Volume minimum mis en vente : 25% des capacités certifiées de EDF
  • Un prix maximum :  fixé à 20.000€/MW
  • Et donc un résultat de l’enchère qui fixe le prix de référence de marché : à 10.000€/MW

Une équation lisible et somme toute logique semblait se dégager :

ecuation1phB

En 2017, cette algèbre ne tarda pas à se compliquer…

Nous ne nous attarderons pas sur l’enchère du 27 avril 2017 pour l’année de livraison 2017 qui, avec seulement 500 MW échangés, a eu le mérite de confirmer le prix de l’enchère du 15 décembre 2016.

Année de livraison 2018 : les choses se compliquent avec 2 enchères le 9 novembre et le 14 décembre. Stupéfaction ! Non seulement la valeur de la capacité n’atteint pas 15.000€/MW , mais le prix est même en (légère) baisse ! Heureusement une cohérence se dégage de ces enchères qui semblent être le copier/coller l’une de l’autre à la fois en prix (~9350€/MW) et en volume (~11GW chacune, soit au total l’ordre de grandeur des volumes échangés en 2016).

Cette cohérence nous pousse donc naturellement à reprendre nos calculs de régressions linéaires qui donnent (sans entrer dans les détails ni dans la sophistication de nos calculs) :

Ec2phB

Année de livraison 2019 : la situation se complique encore plus sérieusement.

  • Nous ne disposions pas encore des résultats de la deuxième enchère AL2018 avec sa belle cohérence avant l’enchère AL2019 (enchères simultanées programmées le 14 décembre)
  • Pour l’unique enchère en 2017, le volume minimum mis en vente doit être :
  • 4 autres enchères prévues en 2018 pour AL2019, dont les 3 premières sans aucune prescription en volume à la vente (et toujours aucune à l’achat)
  • Une compétitivité incertaine de l’Arenh (Avec un prix de marché aux alentours de 41€/MWh, l’Arenh serait compétitif sur l’année, très compétitif sur le premier semestre mais peut-être pas sur le second) qui rend tout aussi incertains les équilibres offre –demande en capacité des principaux acteurs

Les résultats, quelque peu déconcertants, de cette enchère traduisent bien la complexité de ses données :

  • Une offre généreuse : plus de 40GW
  • Une demande plus que timide : moins de 1GW à tout prix (40.000€/MW), traduisant une certaine désaffection de la part des acteurs obligés. Ceci pourrait devenir un sujet d’inquiétude pour le bon fonctionnement du mécanisme
  • Des volumes échangés très faibles : 220,20MW
  • Un prix de capacité sensiblement en hausse (12.999,80€/MW) mais pas tout à fait à hauteur du niveau de prix offert pour la capacité nucléaire (que nous soupçonnons fortement d’être aux alentours de 15.185€MW)

Au-delà de quelques inquiétudes quant au bon fonctionnement du marché (désaffection certaine au niveau de l’offre), force est donc de reconnaitre que le nombre de paramètres et d’inconnues autour du marché de capacité dépasse notre ambition de trouver la martingale qui régit ce marché. Une constante se dégage néanmoins : le secteur électrique français reste bien dominé par la génération nucléaire et le restera au moins jusqu’à l’horizon 2030-2035 avec une part supérieure à 50%. Il est donc logique que le coût de cette production se reflète bien dans le prix et l’électricité, prix qui, lui-même, se compose bien d’une composante énergie ET d’une composante capacité.

Philippe Boulanger,

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Le mécanisme de capacité français en bonne voie pour prendre de l’avance sur les règles européennes

Jusqu’à présent, la France n’avait pas particulièrement brillé par sa ponctualité pour transposer les Directives Européennes relatives au secteur de l’énergie. En effet c’est seulement le 10 février 2000, soit avec plus d’un an de retard, que la directive du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité a été transposée dans le droit français. Quant au gaz naturel, c’est avec plus de 2 ans de retard et à l’issue d’un intense débat ayant suscité près de 700 amendements parlementaires que la loi du 3 janvier 2003 transposa la directive du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. D’aucuns ayant interprété ces retards comme une manque d’enthousiasme français vis-à-vis du processus d’ouverture des marchés de l’énergie.

Par contre, en ce qui concerne la rémunération des capacités, la France est en train de se positionner comme pionnière pour la mise en place d’un mécanisme conforme aux principes définis par la Commission Européenne, notamment sur le sujet de la participation transfrontalière des capacités étrangères dans les mécanismes de capacité.

Et pourtant, avec le lancement de l’enquête approfondie de la Commission sur le mécanisme de capacité français en novembre 2015, l’affaire semblait bien mal engagée !

Les intenses négociations et consultations avec les parties prenantes, qui ont culminé pendant l’été 2016, ont permis d’obtenir la décision d’approbation de la Commission européenne du 8 novembre 2016 moyennant la mise en œuvre de trois piliers de mesures :

  • Pilier concurrentiel : Année de livraison 2017
  • Pilier relatif à la participation des capacités transfrontalières : Année de livraison 2019
  • Pilier visant à favoriser les investissements dans les nouvelles capacités : Année de livraison 2019

Les règles du mécanisme français telles que publiées par l’Arrêté du 29 novembre 2016 ont traité le pilier concurrentiel à la satisfaction de la Commission et les deux autres piliers font l’objet d’une concertation bien avancée, organisée par le RTE depuis le printemps 2017.

Ces changements devant entrainer une modification du décret du 14 décembre 2012, le calendrier (serré) est le suivant :

  • Septembre 2017 : Propositions de décret (publication attendue décembre 2017)
  • Octobre 2017 : Reprise de la concertation sur les nouvelles règles
  • Mi 2018 : Publication des nouvelles règles
  • 2019 : Entrée en vigueur de la participation explicite et premiers appels d’offres pour les nouvelles capacités

Les premiers éléments qui ressortent actuellement des consultations sont les suivants :

Capacités transfrontalières : les premières participations explicites de capacités étrangères sont prévues dès l’année de livraison (AL) 2019

  • 1ère étape : détermination (via une étude probabiliste) d’un volume global alloué à la participation explicite des entités étrangères (Juillet-août 2018).
  • 2e étape : définition d’une clé de répartition de ce volume global, afin d’octroyer un certain niveau de tickets d’interconnexion par frontière où la solution hybride est mise en place (Juillet-août 2018).
  • 3e étape : organisation, par frontière où la solution hybride est mise en place, d’enchères sur les tickets d’interconnexion (Septembre 2018).
  • 4e étape : certification des capacités de production/d’effacement frontalières ayant acquis des tickets d’interconnexion et contrôle de ces capacités durant l’année de livraison (Ces capacités pourront participer aux enchères EPEX Spot pour AL 19, 2 à 3 en 2018).

Contractualisation long terme : 3 enchères sont prévues en 2019 pour couvrir les périodes allant respectivement de 2020 à 2026, de 2021 à 2027 et de 2022 à 2028.

  • Objectifs : Concurrentiel, accompagnement de la transition énergétique, réduction du coût pour les consommateurs, non distorsion du marché.
  • Eligibilité : Le dispositif est ouvert à toute nouvelle capacité qui ne dispose pas déjà d’un mécanisme de soutien.
  • Contractualisation : Contrat pour différence d’une durée de 7 ans.
  • Sélection : La sélection se fera par enchère en confrontant les offres avec une courbe de demande, laquelle intégrera un modèle d’adéquation probabiliste comprenant une modélisation du marché et sera recalée en tenant compte de la valeur de la capacité sur le marché.

Ces modifications ne seront pas sans occasionner quelques difficultés pour les acteurs. A titre d’illustration nous souhaitons soulever le cas de la première enchère capacité pour AL 2019, qui est prévue en décembre 2017 : à cette date, des paramètres impactant l’équilibre offre/demande ne seront pas encore définis. En particulier les acteurs ne connaîtront pas le coefficient de sécurité qui s’appliquera à leurs obligations (facteur qui augmentera en fonction des participations explicites retenues) et ces capacités étrangères ne pourront pas encore participer. La contractualisation pluriannuelle, quant à elle, risque de compliquer pour le fournisseur le coût de référence de la capacité.

Alors que le débat sur le nouveau paquet (le 4ème) bat son plein, y compris en ce qui concerne la refonte du Règlement du Parlement Européen et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité, il semble déjà acquis que le mécanisme de rémunération des capacités français sera bien conforme à ce règlement (Article 22), et ce par anticipation…

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L’ARENH en question

Lors de la présentation de ses résultats du 1er trimestre 2017 le 9 mai 2017, EDF a mis en évidence l’impact négatif sur le chiffre d’affaires France des ventes ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) et marché : -49 Mio €  attribués « principalement production et sourcing de la souscription ARENH » ; et Xavier Girre (CFO EDF) de déclarer : « Nous considérons qu’il est nécessaire aussi, et équitable, de réformer le mécanisme ARENH afin de l’empêcher d’être aussi biaisé qu’il l’est aujourd’hui »

Instauré par la loi NOME du 7 décembre 2010 et mis en place depuis le 1er juillet 2011, le mécanisme de l’ARENH est pourtant déjà ancien. Il semblait même être promis à l’obsolescence avec les marchés de gros qui, depuis décembre 2014, se sont durablement installés à des niveaux inférieurs au prix fixé pour l’ARENH (avec la notable exception de la fin de l’année 2016), à tel point que l’ARENH n’avait fait l’objet d’aucune demande pour l’année de livraison 2016.

Pourquoi relancer ce débat alors qu’un nouveau décret du 21 mars 2017 encadrant davantage le mécanisme vient d’être promulgué ? Analysons donc la situation actuelle, replaçons ce troisième paramètre du prix de l’énergie électrique dans son contexte et définissons ses enjeux.

Tout d’abord revenons sur le principe :

L’ARENH  a été instauré, pour une période transitoire allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2025, « afin d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français ». Le volume total mis à disposition est limité à 100TWh/an.

Le produit ARENH est par essence annuel mais, afin de permettre aux fournisseurs d’ajuster leurs besoins à l’évolution de leur portefeuille, la souscription se fait à deux guichets semestriels (novembre et mai). Dans le but de renforcer ce caractère annuel et de limiter des possibilités d’arbitrages, le dispositif prévoit une clause dite « de monotonie » qui contraint les fournisseurs à faire évoluer leur demande dans le même sens à deux guichets semestriels consécutifs. (Clause renforcée par de décret du 21 mars 2017)

Le résultat :

La figure ci-dessous (extrait du rapport de l’Autorité de la Concurrence du 8/2/2017) illustre bien le succès et l’efficacité du dispositif mais aussi sa corrélation avec les prix des marchés de gros :

PHB

Le fonctionnement du mécanisme est effectivement perturbé depuis que, contre l’attente du législateur de 2010, le prix de l’ARENH se trouve au-dessus des prix de marché. La perturbation est d’autant plus forte quand, en l’espace de quelques mois, les prix de marché se trouvent alternativement fortement en dessous, fortement au-dessus et à nouveau fortement en dessous du niveau de l’ARENH !

Le comportement des acteurs lors du guichet du 16 mai 2017 a montré toute l’efficacité du nouveau décret : les volumes commandés pour le premier semestre 2017 ont bien été reconduits pour le second semestre afin de respecter la logique annuelle du produit, alors qu’avec les prix de marchés BL Q3 : 32,15€/MWh, BL Q4 : 42,85€/MWh et la capacité à 10.000€/MW, l’ARENH était « out of the money » de ~4€/MWh !

Nous ne sommes donc plus très sûrs à quel « biais » il a été fait allusion (asymétrie commerciale entre Edf et les fournisseurs alternatifs : délais de paiement, gestion du cap, ajustement au portefeuille, pénalités… ?). Par contre il nous semble plus important que le débat se recentre maintenant sur la question de la cohérence entre les 3 paramètres définis par la loi NOME, à savoir : les prix de marché, le prix de la capacité et l’ARENH.

« Avec une production nucléaire qui représente plus de 70% du total, deux choses sont donc primordiales : (i) que l’ARENH retrouve un niveau reflétant le coût complet de ce nucléaire français (voir notre article(1) à ce sujet), et (ii) que le marché de capacité gagne en maturité pour assurer la compétitivité de l’ARENH  (garanties de capacités comprises) vis-à-vis du marché de gros,

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Un « Paquet d’hiver » qui porte bien son nom !

En point d’orgue d’une année qui aura vu le Brexit et une croissance de la méfiance des pays membres vis-à-vis d’une organisation ressentie chaque jour plus intrusive, c’est « droite dans ses bottes » et sans le moindre complexe que la Commission Européenne a rendu publique le 30/11/2017, son Paquet d’Hiver de plus de 6000 pages centrées sur la transition énergétique (4ème Paquet Energie depuis 1996) ! Il s’agit d’une série de documents (Décisions, Réglementations, Projets de Directives, Lignes directives, études d’impact etc.) publiée sous le titre :

Une énergie propre pour tous les Européens – libérer le potentiel de croissance de l’Europe

Avec l’objectif ambitieux  de :

Réduire ses émissions de CO2 d’au moins 40% d’ici à 2030 tout en modernisant l’économie de l’UE et en créant des emplois et de la croissance pour tous les citoyens européens

Avec une « Proposition de résolution européenne » de la part du Sénat (16/2/2017) et un « Rapport d’information sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité dans le cadre du 4e paquet énergie » de la part de l’Assemblée Nationale (23/2/2017), le débat est déjà bien engagé.

Et si finalement la force de propositions positives pour l’énergie, l’économie et la croissance de l’Union Européenne provenait de la Commission ? Les sceptiques sont nombreux ! Nous nous proposons, sans prétendre à l’exhaustivité, de faire un état des lieux du contenu de ce paquet, des propositions présentées et du débat engagé.

Que contient ce paquet ?

L’ensemble de documents est disponible à l’adresse :

https://ec.europa.eu/energy/en/news/commission-proposes-new-rules-consumer-centred-clean-energy-transition

Au total il s’agit de 86 documents disponibles sur cette page (sans compter les traductions) représentant 37 textes de nature et d’importance très variables parmi lesquels figurent huit propositions législatives majeures, soumises à la procédure de codécision (Parlement européen et Conseil de l’Union), qui constituent le corps de ce quatrième paquet préparé par la Commission depuis 1996 :

  1. Règlement du Parlement et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité (refonte) ;
  2. Directive du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (refonte) ;
  3. Règlement du Parlement et du Conseil instituant une Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (refonte) ;
  4. Règlement sur la gestion des risques dans le secteur de l’électricité (nouveau) ;
  5. Directive sur l’efficacité énergétique (refonte) ;
  6. Directive sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) ;
  7. Directive sur les énergies renouvelables (refonte) ;
  8. Règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (nouveau).

(Les documents indiqués en caractères gras devraient plus particulièrement concerner nos lecteurs)

Résumons les principales mesures

(Ce résumé ne peut prétendre à l’exhaustivité)

  1. Les énergies renouvelables
  • Les buts sont, pour 2030 : part des renouvelables dans l’énergie 27% (globalement au niveau de l’UE), part des renouvelables dans l’électricité 50%.
  • Généralisation des appels d’offre et compléments de rémunération.
  • Mise en place d’appels d’offre techniquement neutres.
  • En ce qui concerne le chauffage (et le froid), promotion des politiques visant à augmenter d’1% par an la part des renouvelables et à ouvrir, sous condition, l’accès des réseaux aux producteurs d’énergies renouvelables.
  • Limitation des biocarburants première génération.
  • Plus de cohérence est apportée au système des garanties d’origine : il est étendu aussi à l’électricité non renouvelable (nucléaire, cogénération…) ainsi qu’au gaz.
  • Promotion de l’auto consommation.
  1. L’efficacité énergétique
  • Le but est une réduction de la consommation de 30% (soit 15% sur la période 2020-2030). Nous notons que les industries soumises à l’ETS peuvent être exclues du calcul ainsi que de l’auto consommation d’énergie renouvelable.
  1. L’organisation du marché de l’électricité : New market design
  • Priorité est donnée au consommateur et au marché intérieur.
  • Les principales nouveautés porteront principalement sur :
    1. Renforcement des marchés courts terme
    2. Elimination du prix plafond
    3. Renforcement des règles de dispatching basé sur le marché
    4. Renforcement du rôle de la demande (effacements)
    5. Disparition des tarifs régulés et sociaux
    6. Obligation d’offres dynamiques
    7. Restriction du rôle des réseaux dans le stockage
  • Ce projet, même s’il réaffirme sa confiance dans le marché (energy only) pour ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement, reconnaît la possibilité de mécanisme de capacité. Cependant ces mécanismes seront fortement encadrés et devront prendre en compte les disponibilités transfrontalières et justifier de leur nécessité (analyse régionale de sécurité) afin d’être considérées compatibles avec les lignes directrices concernant les aides d’Etat
  • La création de centres opérationnels régionaux : ROC pour les gestionnaires de réseaux
  • Renforcement de la régulation au niveau supra national (Nouvelles prérogatives données à l’ACER)

Où le débat se cristallise-t-il ?

Avec la Commission qui affirme avancer rapidement sur ce paquet (le Vice-président chargé de l’Union de l’Energie, Maros Sefcovic, a annoncé le 1er février qu’il prévoyait que la procédure législative aurait été lancée sur l’ensemble des textes d’ici la fin de l’année 2017) les acteurs n’ont pas tardé à cristalliser le débat sur un certain nombre de points :

  • Une tendance intrusive qui bouscule parfois les principes de subsidiarité et de proportionnalité
    • Remise en cause possible du mécanisme de capacité (Sénat, Assemblée Nationale, UFE)
    • Modification substantielle des compétences de l’ACER : Un glissement non-dit et non justifié vers l’instauration d’un régulateur européen (Assemblée Nationale)
    • Création de Centres Opérationnels Régionaux (ROC), remise en cause du principe de subsidiarité (RTE, Assemblée Nationale, UFE)
  • Disparition programmée des tarifs régulés et sociaux (Assemblée Nationale)
  • Non reconnaissance du nucléaire comme technologie contribuant à la décarbonisation de l’électricité (Sénat)
  • Non mention d’un prix plancher CO2 ou de taxe carbone (RTE, Sénat)
  • Remise en cause de la rémunération des fournisseurs par les opérateurs d’effacement (CRE, Assemblée Nationale)
  • Limitation trop stricte du stockage (RTE, Assemblée Nationale)
  • Promotion de la neutralité technologique pour les renouvelables (Syndicat des Energies Renouvelable, DGEC, RTE)
  • Plafond pour les biocarburants de première génération (Syndicat des Energies Renouvelables, acteurs de la filière comme le groupe Avril)

Il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur ces propositions, aussi souhaitons nous en guise de conclusion provisoire paraphraser la Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée Nationale dans son rapport du 23 février 2017 :

« Propositions globalement positives mais parfois intrusives » et « donc suivre avec vigilance » !

Philippe Boulanger

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The Trouble with EDF

Pas un jour ne passe sans que des nouvelles souvent contradictoires au sujet d’EDF fassent la une de nos journaux :

  • Situation financière « alarmante », « catastrophique »
  • Hinkley point « un très bon investissement » / « un investissement trop risqué »

Je ne suis pas un spécialiste d’EDF et je n’ai pas accès à quelconques informations confidentielles.

C’est en tant que spécialiste du secteur de l’énergie, acteur de sa transition depuis la loi du 10 février 2000, que j’expose ma compréhension de la situation.

Quantification du problème : rupture entre coûts et revenus

Je ne regarderai ici que l’activité génération nucléaire

Coût

Pour la partie coût je me baserai sur le rapport de la Cours des Comptes sur le coût du nucléaire en France (mai 2014) et plus récemment sur le chapitre « La maintenance des centrales nucléaires : une politique de remise à niveau, des incertitudes à lever » du rapport public annuel de la Cours des Comptes (10 février 2016)

Le rapport de mai 2014 résumait les coûts de la façon suivante :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est image-1.png.

Le rapport annuel, évalue l’impact des investissements nécessaires par EDF à la fois pour améliorer la disponibilité du parc ainsi que le projet de « grand carénage »

Les chiffres retenus sont en lignes avec les chiffres qui avaient été annoncés par EDF (55Md€ sur la période 2014-2025). La cours des comptes retient pour la période 2014-2030, 75Md€ pour les investissements et 25 Md€ pour la maintenance.

L’impact sur le coût total (selon leur méthode) est donc faible et passe pour 410TWh de 59,8€/MWh à 62,6€/MWh

Ainsi il ressort de ces chiffres que sur une base de 410TWh/a les besoins « cash » de la production nucléaire annuelle (au moins jusqu’en 2030) sont à minima de 62,6€/MWh moins le loyer économique et la provision pour démantèlement. En prenant les chiffres du tableau 2013 nous obtenons :

62,6 – (8501+520)/410=40,6€/MWh

Que j’arrondirai à 40€/MWh[1]

Revenus

Ici nous devons regarder les prix sur les marchés à terme de l’électricité

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est image.png.

(source EEX)

Il en ressort un prix pour les années 2017 à 2019 de l’ordre de 26€/MWh (tendance à la baisse)

Manque à gagner (défaut de trésorerie)

Sur la base d’une production vendue de 410TWh/a retenue par la Cours des Comptes ce manque à gagner en « cash » est au moins de :

(40-26) x 410= 5740 Millions €[2]

Diagnostique du problème 

Une organisation du marché inadaptée

Sans entrer dans les polémiques sur les coûts d’EDF, la réalité est que la France avec ses 63,2GW de capacité nucléaire en exploitation n’est pas en mesure de se passer à moyen terme de cette production et que le prix de vente doit couvrir ces coûts de production.

Le problème est dans une organisation de marché qui s’est progressivement mise en place depuis 2000 et qui ne rémunère l’électricité seulement que sur la part énergie (prix en €/MWh).

Il s’agit d’une organisation de marché classique pour les activités marchandes où les prix s’équilibrent tant bien que mal par le jeu de l’offre et de la demande : en cas de surcapacité les prix tendent vers les coûts marginaux de production pour refléter les coûts complets long terme quand des besoins d’investissement sont nécessaires compensant ainsi, par des créations de rente, les périodes de prix bas.

Cette organisation « Energy-Only » ne marche pas et ne peut pas fonctionner 

  • En période de sur capacité les prix reflètent seulement les coûts marginaux cout terme de production (et ces coûts baissent avec le déploiement des énergies éoliennes et solaire et la baisse des prix des énergies fossiles)
  • Par obligation politique, une situation de sous-capacité serait une solution anormale. En France notamment RTE doit veiller à la présence d’une marge suffisante en capacité.

Ainsi « si tout se passe bien » les acteurs sont condamnés à ne percevoir comme rémunération que le prix marginal court terme. Ce prix est actuellement basé sur le prix du charbon (il existe encore un potentiel de baisse)

Cette organisation n’a jamais fonctionné

Il est intéressant que ce modèle s’est déployé en Europe à partir de 2000 alors que le reste du monde et notamment les Etats Unis faisait marche arrière suite à la crise Californienne de 2000-2001. Le principal champion de cette organisation de marché à l’époque n’était autre que ENRON dont la déroute a contribué fortement à la crise financière de 2001

Pourquoi, me diriez-vous, la plupart des électriciens, E.ON en tête, vantait tant le marché Energy Only dans les années 2006-2010 et s’opposait violement à toute idée de rémunération pour la capacité?

Tout simplement car les prix se sont trouvés admirablement élevés !

En effet il y eu la conjonction de 3 éléments :

  • Prix du pétrole, donc du gaz, élevé
  • Les centrales gaz imposait le coût marginal (à tort ou à raison : des grands acteurs se sont vus infliger des amendes records pour abus de position dominante et rétention de capacité)
  • La mise en place de l’ETS (marché CO2)[3] qui, avec une valeur de 20€/t pour des certificats largement alloués gratuitement, assurait une rente de l’ordre de 8€/MWh

Les conséquences immédiates de cette manne ont été de hisser les Electriciens aux sommets des capitalisations boursières puis de les entrainer dans une frénésie d’acquisitions qui n’a fait que rendre plus douloureux les lendemains qui déchantent

Remède

Abandonner le mythe d’une organisation « Energy Only » pour l’électricité

La Commission Européenne a lancé cet été en grande pompe la Réforme des Marchés de l’Energie et malheureusement le mythe est tenace et la Commission non seulement voit dans le développement du marché « Energy Only » la solution mais combat violement les initiatives, comme celle de la France, d’implanter un mécanisme de rémunération de la capacité.

Il convient aussi que le livre blanc allemand sur ce même sujet est sur la même ligne : rejet de tout mécanisme de capacité.

Ce mythe doit être contredit avec force mais pédagogie

La France est loin d’être isolée pour avoir posé des fondations d’un marché de capacité. La grande majorité des électriciens, revenus des excès de la première décennie du siècle, en supporte désormais le principe.

De toute façon, chaque jour apporte l’illustration du chaos actuel sur lequel repose le marché actuel

Dans un premier temps mettre en route le marché de capacité en France

Même si le dispositif est limité avec son plafonnement actuellement prévu (40.000€/MW soit au maximum environ 2,5 Milliards € pour les centrales nucléaires), c’est un pas urgent et nécessaire dans la bonne direction.

Evoluer vers un système de rémunération infrastructure pour les outils de génération électrique

Il faudra reconnaitre que la génération électrique est de plus en plus une infrastructure au même titre que les réseaux électriques. Dans le domaine de la distribution de l’eau, les usines de traitement des eaux ont un traitement similaire aux canalisations.

Conclusion

L’urgence de la situation nécessite des positions claires et tranchées pour faire avancer les idées avec pédagogie

Aucune organisation de marché ne peut se prétendre avoir le monopole de l’économie de marché

Philippe Boulanger 10/3/2016


[1] Nous pouvons noter que la valeur de l’ARENH (Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique) est fixée à 42€/MWh

[2] Cet ordre de grandeur se retrouve notamment dans la perte annoncée par E.ON pour 2017 : 7 milliards €

[3] Les effets négatifs de la mise en place de l’ETS pourront faire l’objet d’un autre article. Nous considérons que nous pouvons critiquer l’ETS et œuvrer pour la réduction des gaz à effet de serre et être favorable à un prix carbone